Nous sommes partis à la rencontre de Diane Ducasse, une jeune entrepreneuse dans la mode, qui a fondé sa marque de vêtements pour femmes DADA il y a trois ans. Une marque qui met à l’honneur la féminité dans toute sa complexité et son extravagance, à travers des pièces aux lignes déstructurées et masculines. Elle nous parle de ses expériences et de son parcours pour réussir à fonder sa marque de mode.

 

– Pourquoi avez-vous décidé de fonder votre propre marque ? Pouvez-vous me raconter l’histoire de DADA ?

Diane Ducasse : Je l’ai fondée y’a deux ans, mais l’idée m’est venue il y a trois ans. Ce n’était pas un rêve, c’était plutôt une décision instinctive et spontanée, sans trop réfléchir, parce que j’ai été guidée par mon instinct, ça m’est tombé dessus. J’étais à un moment de ma vie où je pouvais me permettre de le faire.

Je faisais pas mal de freelance, et j’avais envie et besoin de faire un projet qui me ressemble de A à Z. Ce n’est pas toujours évident de coller aux codes d’une Maison. Donc, par la force des choses, c’était un besoin personnel plus qu’une réelle ambition. Et puis, la machine s’est mise en marche, c’est d’un côté, super intéressant, de l’autre, assez flippant !

– Actuellement, vous menez donc plusieurs activités de front ?

Exactement. En plus de concevoir mes collections pour ma marque, je suis professeure de stylisme en école de mode et freelance pour Inès de La Fressange depuis plus de deux ans. Je ne vis pas uniquement de DADA, mais c’est avant tout un choix.

Aujourd’hui, ma marque n’est pas ma priorité, car j’ai besoin d’un autre travail à côté, qui me permet de lever la tête du guidon et d’avoir d’autres contacts pour me permettre d’élargir mon réseau. En fait, je vous avoue que j’aime faire pleins de choses en même temps.

– Pouvez-vous me parler de votre parcours et de vos études ?

J’ai fait un bac S puis une prépa HEC, ensuite je suis partie quelques temps aux Etats-Unis. En revenant à Paris, j’ai postulé dans une école de mode, j’ai étudié là-bas pendant un an et demi.

A partir de là, j’ai été prise en stage chez Lanvin directement en deuxième année, puis chez Marc Jacobs. J’ai également travaillé chez Michel Vivien, où j’ai travaillé à la conception d’accessoires, et de chaussures. Enfin, pendant un an, j’étais le bras droit de Vincent Darré, le décorateur et styliste.

Grâce à cette expérience, j’ai touché à tout, j’ai rencontré beaucoup de gens très intéressants. Et puis après j’ai commencé les boulots en freelance, je faisais beaucoup de chaussures et de sac.

– Combien de temps cela vous a pris de créer votre marque ? Depuis le moment où l’idée à germé dans votre tête jusqu’à sa fondation ?

Trois ans. J’ai pensé à lancer la marque en septembre 2015, et en octobre j’étais en train de trouver le nom, de commencer à chercher des fournisseurs, des ateliers… Puis j’ai commencé à concevoir les premières pièces. Et la marque a été créée et déposée en février 2016.

– Avez-vous décidé de vous lancer seule ? Pourquoi ?

Oui je me suis lancée seule et à vrai dire, je ne me suis pas trop posée la question. En fait, je crois que j’ai un peu de mal à déléguer. C’est une façon de pouvoir faire ce que je veux vraiment. A l’origine, ma volonté était de faire un projet qui me ressemble du début à la fin, donc être seule m’a permis d’être assez libre à ce niveau là.

C’est sûr que maintenant, avec le développement de la marque, je vais avoir besoin de m’entourer. Je suis encore seule aujourd’hui, parce que c’est difficile de rencontrer les bonnes personnes, qu’elles soient disponibles au bon moment. On ne peut pas demander à tout le monde d’être aussi investi que nous ! Mais je suis en train de commencer à chercher un bras droit, un associé.

– Quelles sont, selon vous, les principales difficultés et obstacles pour créer sa marque de mode ?

Alors, personnellement, j’ai un vrai problème avec tout ce qui est administratif. Ce n’est pas mon fort, je n’aime pas vraiment ça. Au début, on se dit qu’on va lancer sa marque et pouvoir faire son métier de styliste à fond, et puis on se rend vite compte que cela engendre quand même beaucoup d’éléments que l’on n’avait pas forcément envisagé au départ. Il faut déposer le nom de la société, tenir la comptabilité, créer un site…

Mais, à ma plus grande surprise, je me suis rendue compte que tout ça me plaisait, simplement parce que j’aime apprendre pleins de choses. Tout est nouveau, et c’est ça qui peut être à la fois très déroutant, et très excitant.

Et puis, une des principales difficultés réside dans le fait de prendre les bonnes décisions, de ne pas se louper dès le début. Il s’agit de bien choisir sa gamme de prix, de définir sa stratégie, comment se positionner sur le marché etc. Et puis évidemment, trouver les fournisseurs, les fabricants, gagner leur confiance, apprendre les rouages de la production… On apprend tout ça sur le tar !

 

– Quels sont selon vous, les éléments clés pour réussir à créer sa propre marque de mode ?

Du courage, de la patience, beaucoup d’énergie et surtout de la passion !

– Comment avez-vous fait pour vous faire connaître ? Aviez-vous déjà un bon réseau ? Quelles techniques de communication avez-vous établi ?

Au fur et à mesure de mes expériences, j’ai réussi à établir un réseau assez important. Mais les journalistes qui ont parlé de moi dès le début sont des gens que je ne connaissais pas du tout. En fait, la diffusion de ma marque n’est pas forcément liée à mon réseau. Je crois que c’est plus lié au produit en lui-même et à l’image de la marque.

Je travaille beaucoup sur l’image de mes lookbook. Le produit plait, ça marche bien. J’ai aussi remarqué que la presse aimait beaucoup mon histoire, l’histoire de la création de la marque. On m’a donc demandé beaucoup de portraits. C’est vrai que dès le début, la presse a été intéressée par DADA.

– Parlez-moi un peu de votre image et de l’importance des réseaux sociaux pour votre marque.

A l’origine, les réseaux sociaux et moi, ça fait deux ! J’étais une des seules à n’être ni sur Facebook, ni sur Instagram, donc je reviens de loin ! Pour tout vous dire, je n’aimais pas trop ça. Au lancement de ma marque, Instagram commençait à éclore. Cela n’était pas aussi fort que maintenant. Je n’y voyais pas trop l’intérêt, je trouvais les relations assez faussées avec ce genre d’application.

Mais finalement, je me suis mise sur Instagram, car j’ai fini par y trouver un véritable intérêt. C’est un vrai boulot ! J’essaye de poster tous les jours, je me suis rendue compte que mes clientes avaient une demande par rapport à ça. Aujourd’hui, j’ai des clientes qui me découvrent sur Instagram, j’ai de la presse qui me découvre sur Instagram, des boutiques également me découvrent sur Instagram.

Donc aujourd’hui je peux vous dire que c’est primordial et que je ne peux pas m’en passer. Je pense que lorsque l’on est une marque de mode, on ne peut échapper à ce réseau.

– Quelles sont vos inspirations ? Des créateurs qui vous touchent particulièrement ?

Yohji Yamamoto, Comme des Garçon, Yves Saint Laurent, Margiela… J’aime les créateurs de ces années là, qui déconstruisent le vêtement, où rendent la femme très féminine par des vêtements d’homme. J’essaye de faire un mix entre costume, élégance parisienne et puis nonchalance, déconstruction, New Age…

Sinon, pour mes collections, je m’inspire de films que je vois, d’expos où je me rends, de voyages que je fais… Mais beaucoup les films, c’est vrai. En ce moment, j’ai un faible pour le style anglais très traditionnel, des vêtements au style « chasse et pêche ». Je m’inspire aussi de tout ce qui est japonais.

– Combien de temps vous mettez à créer une collection ?

Alors, je n’ose pas trop vous dire la vérité mais en fait je fais mes collections en une après-midi ! En fait, j’y pense du matin au soir pendant des mois, c’est tout de même un travail de tous les jours !

– Qu’est-ce qui différencie le travail de stylisme pour une Maison de Mode, au travail pour sa propre marque ?

Premièrement, je n’ai pas le même budget et je n’ai pas autant d’équipes qui travaillent pour moi. En conséquence, je vais être plus sûre de moi. Contrairement aux marque pour lesquelles j’ai travaillé, je ne créé pas des prototypes pour finir par les abandonner.

Quand je décide de quelque chose, cela finit forcément par se concrétiser. Sinon, à petite échelle, cela fonctionne pareil, il n’y pas mille façons différentes de créer des collections.

– Quels conseils donneriez-vous à ceux qui veulent créer leur marque de mode ?

Je pense qu’il faut décider de se donner à 100% dans sa société. Il faut savoir que c’est un travail qui demande deux fois plus d’énergie que la plupart des gens. Il faut être à fond dedans. Les étapes ne sont pas simples, il faut être courageux. Il y a des choses parfois difficiles à gérer, comme les relations avec les fournisseurs et les fabricants. On dépend totalement des gens. Ce que je trouve compliqué c’est de ne pas pouvoir maîtriser certaines choses.

Il faut aussi bien savoir contrôler son budget, car la confection de vêtements à un coût, souvent assez élevée. Enfin, je pense qu’avoir une véritable identité est essentiel. Soit il faut avoir une image marketing rodée, soit on a défini un style bien marqué et donc avoir une vraie identité pour se démarquer. Je pense que ce qui plait, dans ma marque, c’est l’identité, la qualité, le confort et l’histoire de la marque. J’ai remarqué que l’histoire autour des vêtements intéresse beaucoup mes clientes.

 – Justement, quel est le rapport avec vos clientes ?

Je suis très proche de mes clientes, on a un rapport presque amical. Je suis très fière de ma clientèle, je me considère très chanceuse. Je pense que le fait de rencontrer la créatrice induit forcément une relation plus intime, plus humaine. C’est très agréable d’avoir ce lien très proche avec elle. Elles me font un vrai suivi, alors qu’elles ne sont pas obligées ! Elles m’envoient des photos des vêtements portés, elles me disent les compliments qu’elles reçoivent…

– Quels sont vos projets ?

J’ai toujours des projets. J’aimerais faire un pop-up store à la rentrée, mais aussi essayer d’organiser des collaborations avec des marques que j’aime. Je pense que c’est une chose qui fonctionne bien, pour se faire connaître, élargir sa clientèle, et puis pour connaître d’autres personnes aussi. J’aimerais également beaucoup faire de la chaussure, faire des capsules, et enfin faire des collections Homme. J’ai aussi très envie d’ouvrir une boutique. Il y a pleins de choses à faire !

 

– Où peut-on trouver vos créations ?

Sur mon site internet. J’ai aussi un appartement showroom dans le sixième arrondissement de Paris. Mes pièces sont aussi revendues chez des retailers. Mais mes meilleures ventes sont des ventes directes, donc au sein du showroom, des pop-up stores ou sur l’e-shop. Mes pièces sont également vendues à l’étranger.

Si tu veux encore plus de conseils pour lancer ta marque, tu peux aller lire notre article sur comment lancer sa marque de mode en 5 questions essentielles.